Ce message je l'avais redouté pendant une semaine. Quand ma femme avait téléphoné, j'avais ignoré l'appel mais elle m'avait dit de la rejoindre au café du coin afin que l'on parle. Evidemment, je ne revenais jamais dans notre domicile, donc il fallait que je l'affronte quelque part. Je n'avais pas envie, et c'était peut-être pour ca que depuis le matin même je tirais une tête mauvaise. J'avais été bien silencieux durant le petit-déjeuner et Rosy m'avait demandé si quelque chose me tracassait. Je ne lui avais pas dit que j'avais rendez-vous avec Hilary l'après-midi même. J'avais juste déclaré que j'étais fatigué et que j'avais mal dormi. Ce qui n'était pas tout à fait faux, durant toute la nuit j'avais mis dans tous les sens dans ma tête ce que je pourrais lui dire. Ce que je pourrais lui dire? Je n'en savais strictement rien. Je finis de boire mon thé et de manger mes brioches avant d'aller me préparer. J'avais pris un jour de congé pour l'occasion car je ne me voyais pas travailler dans ces conditions: déboussolé, pas concentré, irritable. Cela aurait pu faire quelques dégâts dans mon travail. C'était rare que je m'absentais du bureau d'architecture et mon patron avait été conciliant en voulant bien me donner ce jour de congé que j'avais tant besoin. Il avait été même étonné que je n'en ai pas pris un plus tôt. En effet, tout le monde savait ici que je divorçais, le manque d'alliance à mon doigt avait fait jasé, et j'avais confirmé la rumeur. Une nouvelle était apparue et je n'avais rien bronché dessus, ce serait le fait que Rosy et moi on aurait une liaison. Pour moi, cela ne regardait personne à part nous et de toute manière ce n'était pas la vérité. J'étais bien trop tourmenté pour penser à des choses pareilles. J'avais donc passé ma matinée à faire le tour de la ville sous la neige au lieu de rester au chaud et lire un livre ou regarder un film. Il fallait que je me libère la tête jusqu'à l'heure fatidique à savoir treize heures. Je passais dans différentes boutiques, dont la librairie où j'achetais un livre qui m'avait tenté depuis longtemps mais dont je n'avais jamais pris la peine de tourner les pages.

Treize heures moins dix. J'étais encore dans les rues, j'avais été déjeuné rapidement dans un snack du coin. Je n'avais pas eu spécialement faim mais il fallait bien se nourrir. Je soupirais, mains dans les poches, j'avais l'impression de retrouver mon enfance quand je ne voulais pas affronter une situation. Situation qui était ici pénible. Je n'osais plus la regarder en face, je ne voulais plus la regarder tellement je me sentais trahi. Pourtant par le passé je l'avais aimé, je lui avais juré fidélité et soutient pendant notre mariage, ce qu'elle avait fait aussi. Mensonge. Si j'avais pu voir le futur je me serai méfier de sa bouille d'ange. Bref, je rentrais dans le café où l'on s'était donné rendez-vous et je la vis au fond de la salle à une table. Avant de m'y rendre, je commanda un café, comme si je voulais repousser l'heure fatidique. Je ne pouvais plus fuir, ainsi je pris la direction de la table où elle était. Quand elle releva la tête, elle me fit un fin sourire. Rien à voir par nos sourires et nos rires passés. Non, c'était un sourire à la limite de la timidité. Timide? Cela m'étonnerait vu qu'elle avait couché avec Charlie. A cette pensée ma main se crispa. Il ne fallait pas que je m'énerve, non pas de suite. J'avais une sainte horreur de piquer une colère devant les gens que je ne connaissais pas et qui jouaient de leur curiosité. « Désolé du retard. » Fis-je machinalement avant de me laisser tomber sur la chaise en face d'elle et de poser mon café devant moi. L'ambiance était pesante. La dernière fois que je l'avais vu c'était ce fameux soir où j'avais emmené les papiers du divorce et qu'elle m'avait dit que Charlie était son avocat: le coup de grâce en somme. Cela faisait deux semaines. J'ouvris mon gobelet de café avant de boire quelques gorgées et de le reposer sur la table. « Pourquoi souhaitais-tu me voir? » Je ne la regardais même pas, mon regard était rivé sur le gobelet en attendant ce qu'elle avait à me dire.

Je ne savais pas s'il fallait en rire ou en pleurer. A vrai dire, je ne m'attendais pas du tout à cela en arrivant ici. Parler oui, je m'en doutais, mais j'aurai cru que c'était par rapport au divorce, à la séparation des biens mais pas à ca. Je la regardais, sceptique avant de prendre mon gobelet de café dans la main. Mes pensées étaient tourmentées. Récapitulons: elle avait couché avec mon meilleur ami – donc elle m'avait trompé – elle était enceinte de lui – ironique car elle refusait toujours que l'on parle bébé tous les deux – et maintenant elle allait me faire ses yeux de biche pour que je revienne chez nous et faire comme si rien ne s'était produit? Cela me ferait passer pour un cocu complétement crétin. Non franchement, elle était où la caméra cachée? C'était une plaisanterie? Au vue de son visage, elle était très sérieuse. Si j'étais parti, il y avait bien une raison: je m'étais pris un coup dans le dos et en plein cœur par son adultère et de la voir si proche de Charlie me rendait fou de rage. Charlie, mon témoin de mariage et mon meilleur ami depuis l'enfance. Qui aurait pu croire qu'il se serait taper ma femme huit ans plus tard? Je les haïssais tout les deux sur ce coup là. Ils étaient tout les deux coupables et devaient assumer leur acte! Ce n'était pas moi le père de cet être qui grandissait dans son ventre, j'étais l'ombre au tableau de la future famille parfaite. J'étais un homme qui était en train de rester sceptique et muet face à sa déclaration. Pas divorcer. C'était une plaisanterie? J'avais déjà pour ma part enlever mon alliance et cela avait fait jaser dans tout le cabinet d'architecture et certaines femmes étaient venues me voir en me disant combien elles pouvaient être à ma disposition si besoin. Je n'étais pas un trophée de chasse que l'on voulait dans sa collection. Ainsi, je passais le plus clair de mon temps en compagnie de Rosy, et ça aussi ca faisait jaser. Surtout que l'autre on s'était embrassé. Acte désespéré? Non, je savais qu'il y avait bien autre chose que de l'amitié. Je bus une gorgée de café en la regardant droit dans les yeux tout en réfléchissant à mes paroles. Mon silence était pesant et en ce moment même je m'en moquais qu'elle se sente mal à l'aise.

Je reposa mon gobelet sur la table avant de m'adosser correctement contre la chaise. « J'espère que tu plaisantes? Je suis à limite d'éclater de rire ou de partir en te plantant là je te signale. » Je ne mâchais pas mes mots, la colère était encore présente malgré ces deux semaines où je ne l'avais pas revu. Je me rappelais de tout et j'avais pu compter sur le soutient de Rosy pour essayer de m'accrocher à un mince bonheur. Je m'étais toute mon énergie dans mon travail, dans les plans que je concevais pour des maisons futures. « Tu veux que l'on surmonte tout ça? Et moi tu sais ce que je veux? » Je ne souriais plus. J'avais difficilement ma salive, je sentais que mon sang bouillonnait. « Ah non correction: ce que je voulais. » Fis-je en accentuant bien le dernier mot. « Je voulais que toi et moi on fonde une famille. Chose que tu me refusais mais alors pour en faire une avec Charlie il n'y a pas de soucis! Il n'y a rien à surmonter. Tu m'as trompé, toi et tes valeurs catholiques félicitations je suis sûre que tes parents seront ravis que je ne sois plus dans le tableau. » C'était un autre point, ses parents. Ils n'avaient jamais pu admettre que j'épouse leur fille, ni que l'on vive ensemble. Ils allaient être heureux de voir que l'on ne serait plus ensemble. Cela n'avait pas été le cas des miens qui avaient accueilli Hilary à bras ouverts. Eux ils allaient tomber de haut. Je tapotais légèrement sur la table avec mes doigts, signe de nervosité chez moi. Qui n'aurait pas été nerveux dans cette situation? Si je le voulais je pourrais partir, claquer la porte et aller me changer les idées, mais il valait mieux crever l'abcès que toute cette histoire soit clair pour tout le monde. « Je veux juste que tu signes les papiers. Je crois que toute manière tu n'as pas le choix, je ne suis pas le père du bébé je n'ai donc aucun risque. » peut-être qu'en fin de compte, c'était notre histoire qui ne serait jamais allé plus loin? Peut-être que par le passé avec nos disputes c'était le signe que l'on était pas fait pour être ensemble. Cela m'avait mis la puce à l'oreille quand elle avait refusé que l'on parle bébé dans nos projets. La paternité j'en rêvais depuis quatre ans et pourtant, je n'avais jamais eu le droit à ce bonheur, mais Charlie oui.