Contraignant ? C’est un euphémisme. Je déteste cette ville, je déteste toute cette neige, je déteste ces habitants avec qui je n’ai aucun point commun. D’ailleurs je ne les crois pas une seconde lorsqu’ils disent se plaire ici et ne jamais avoir rêvé de s’établir à un autre endroit. Ils font semblant d’être émerveillés par cette blancheur perpétuelle, cette ambiance quasi-magique que provoquent les flocons qui tombent par milliers et ne se rendent pas compte qu’ils sont conditionnés à penser ainsi. Je ne vois pas ce qu’il y a de plaisant au fait d’être congelé après avoir mis ne serais-ce qu’un pied dehors, au fait d’être sans arrêt confronté au gel sans jamais avoir vu une fleur pousser ou avoir entendu un oiseau chanter.

Je suis né ici, mes parents m’ont élevé à Barrow et ils y vivent toujours. Moi également. Malgré ma révulsion pour cette ville enneigée, je n’ai jamais pu me résoudre à faire mes bagages. Je ne suis parti que trois fois en tout, il me semble. Une fois, enfant, lorsqu’on m’a emmené faire des tests psychologiques me déclarant officiellement un quotient intellectuel de 140. Une autre fois pour les vacances, et une dernière pour faire mes preuves en tant que journaliste, me permettant de travailler à domicile et de n’être sollicité qu’en cas de force majeure.

Je reste. Je n’ai pas assez d’argent pour me permettre ce genre de choses. Lorsque les trente jours de nuit tombent, je suis cloîtré chez moi à faire mille et une choses inutiles. Ce n’est pas mon genre d’en profiter pour entamer une fête sans fin en compagnie d’une bande d’amis. Je ne suis d’ailleurs pas certain de savoir exactement ce qu’implique une amitié. Je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui m’ait semblé être assez proche de moi et de ma personnalité pour mériter le titre d’ami à proprement parler. Il y a, bien sûr, Charly, mais elle est différente. Je ne crois pas que je ressente de l’amitié pour elle. Cette fille m’intrigue beaucoup, de part sa façon d’être, sa façon de penser, sa façon de se comporter avec les autres, avec elle-même, et avec moi. Je passe mon temps à analyser tout le monde mais je ne dépasse les dix minutes de décryptage qu’en de très rares occasions. Or cela va maintenant faire deux ans que je tente de décoder Charly sans succès.

écrire une réponse développé (environ cinq lignes).