La nuit succédait à la nuit mais rien ne prenait le dessus sur l’appel toujours plus strident aux oreilles d’Anka que le réveil matin. Il sonna pour indiquer les huit heures, pas d’école aujourd’hui mais il fallait quand même se lever : se prélasser dans le lit n’était pas la politique de la maison et de toute façon, la petite fille avait tellement d’énergie dans ses jambes et sa tête qu’elle n’était pas du tout prête à rester encore dans cette chambre. Elle alluma la lumière et observa par la fenêtre le matin totalement noir. Les trente jours de nuits avaient commencés et elle était littéralement fascinée par le phénomène. C’était le matin, mais l’ébène de la nuit perlait toujours sur l’immaculé par terre de neige. Elle s’habilla vite fait d’un pantalon en jeans clair assez épais et d’un pull rouge avant de se diriger en chaussette vers la cuisine. Sa petite sœur dormirait certainement plus longtemps que les autres du à son jeune age et Xanthe, ma foi, ça dépendait des fois de son humeur. Elle était assez solitaire et n’osait pas vraiment jouer avec elle donc des fois elle n’y faisait pas trop attention. La table était déjà dressée et les œufs ainsi que le bacon était déjà dans un plat. S’asseyant à sa place désignée, elle se mit déjà à prendre du bacon et une part d’omelette dans son assiette. Il n’y avait personne dans la cuisine encore mais le père ne devait pas être bien loin étant donné l’état actuel du petit déjeuner. Engloutissant une part entière de viande dans sa bouche, elle mâcha en mastiquant la viande coriace entre ses chicots. Elle regarda l’heure, huit heures deux… Elle allait peut être avoir quelques minutes pour être seule avec son père qui était si souvent occupé avec ses deux autres sœurs.

Elle but son verre de jus d’orange d’une traite et manqua de s’étouffer alors qu’elle venait à peine d’avaler sa viande. Elle toussa en se tapant un peut la poitrine avant de faire passer le tout avec un morceau d’omelette. Des pas résonnèrent dans le salon et bientôt, la silhouette grande et fine de Bernard se profila à la porte de la cuisine. « Bonjour P’pa !!! » Elle se redressa sur son siège pour accueillir l’homme avec un sourire radieux. En l’absence de ses sœurs pour la concurrencer, elle faisait la fille modèle et tentait tant bien que mal d’avoir les récompenses de son père : la reconnaissance de ses efforts. Elle fit attention à ne pas mâcher trop vite sa nourriture ou d’avoir l’air de se goinfrer quand il était à portée de vue. Alors qu’il se mouvait dans la cuisine pour lui-même prendre le petit déjeuner, Anka se dit que c’était là l’occasion de faire appel à la fibre paternelle qu’il y avait en Bernard et essayait d’avoir un petit moment « à elle » avec lui. Avec deux sœurs et le boulot contraignant de l’adulte, il était parfois dur de se retrouver seule avec lui. Ainsi, elle finit par soutenir sa tête à l’aide de son coude, sur la table, et demander d’un air intéressé « Dit papa… Comment tu m’as adopté en Serbie, pourquoi tu m’as choisis moi à l’orphelinat ? Je me rappelle plus moi… J’étais trop jeune en fait. »

Elle n’en avait plus aucun souvenir du à son jeune age et s’était toujours un peu posé la question sans trop oser, pensant qu’elle passerait pour une fille ingrate : la bougre, elle se fait adopter et sortir d’un pays craignos et elle ne se souvient même pas comment son père l’a sauvé ! Mais elle avait calculée que la discussion serait certainement sujette à tendresse et amour comme ça l’avait été pour Billie et Xanthe. Peut être une histoire déchirante mais avec une pointe sentimentale qui ne manquerait pas à rappeler à Bernard le bon souvenir de sa première fille. Car autant elle était entre les deux dernières au niveau des ages, elle avait quand même fréquentée leur père plus longtemps, elle se voyait donc normalement en ligne principale pour recevoir l’amour parental. Sauf que dans les faits, ça ne suivait pas vraiment. Ainsi, elle avait pensé à cette petite piqûre de rappel qui ne devait conduire qu’à un gros et agréable câlin rien que pour elle, et elle seule ! Elle mâchouillait son omelette en attendant la réponse, les pieds se balançant sous sa chaise.