Depuis ce matin j'avais un couple qui ne s'entendait sur rien: ni sur la décoration qu'ils voulaient pour leur future maison, ni pour la maison en sa totalité. Je les écoutais se disputer devant mon bureau en ayant le menton au creux de ma paume. Je passais mon regard de l'un à l'autre pendant qu'ils se disputaient, cela aurait été comique si j'aurai eu le cœur à rire, mais ce n'était pas le cas. J'avais moi aussi mon problème conjugaux important à résoudre très vite et je soupirais longuement tandis qu'ils étaient sur le point de se taper dessus. D'un coup de règle sur mon bureau je ramena le calme comme si cela avait été deux écoliers. Je les regardais assez sérieusement en expliquant qu'ils devaient parler de cela à deux et de revenir avec des plans bien précis en tête. Je ne voulais pas m'écoper d'une migraine à cause de leurs disputes sans queue ni tête. L'entretient dura par la suite une quinzaine de minutes avant qu'ils ne quittent mon bureau et que je laisse ma tête tombée sur le bois. Architecte cela avait toujours été un rêve et je devais bien me mettre en tête que par moment cela n'était pas facile comme métier. Rosy devait en baver aussi en tant que décoratrice intérieure, cela ne m'étonnerait même pas qu'ils lui aient fait une scène pareille dans son bureau. Cela pourrait être drôle d'en discuter. En tout cas, il était près de onze heures et je devais m'atteler au dossier de mon client de cet après-midi. Lui c'était une tout autre histoire. Il savait exactement ce qu'il voulait au centimètre près et par moment ce n'était pas évident si on se trompait d'un millimètre dans les calculs. Combien de fois je ne l'avais pas vu rentrer dans une colère si rouge que j'ai cru qu'il allait me tuer? En tout cas j'étais fin prêt, je relisais son dossier en détail quand tout à coup une furie entra en trombe dans mon bureau. Rosy? Non, ce n'était pas son genre. Hilary? Peut-être mais pour quel motif encore? Je fis un léger bond avant de regarder vers la porte et j'y découvris Roxanne: une amie très proche que j'avais aidé à prendre ses marques à son arrivée il n'y a pas si longtemps que ça.

Si j'étais très proche d'elle c'était aussi parce qu'elle était enceinte et qu'une femme enceinte devait toujours faire attention ce qui n'était pas forcément son cas. Puis, son fiancé l'avait trompé à ce que j'avais compris ; à croire que l'adultère était innée chez les gens. Elle avait l'air en pétard et je me demandais ce que j'avais fait, je tournais mon crayon dans les doigts en attendant qu'elle s'explique. Ah c'était donc ça. En tout cas quand elle avait hurlé sur tous les toits de ne pas laisser une femme de cinq mois toute seule, tout le personnel du couloir s'était retourné vers moi. Et voilà, tout le monde allait croire que c'était moi qui l'avait mise enceinte et que c'était pour ça que je divorçais. Je me leva de mon siège avant de me diriger vers la porte et de sourire à tout le monde avant de la fermer et de retourner à ma place: « Je suis désolé d'avoir une vie compliquée en ce moment Roxanne. Mais a ce que je vois tu n'as pas accouché donc tout va bien. » Je me laissa tomber dans mon fauteuil en la regardant fixement tandis qu'elle jetta le pull que je lui avais gracieusement offert sur mon bureau. Je le pris dans mes mains avant de regarder où était ce fameux qui la mettait dans tout ses états. « Ah ca. » Je vis son regard furieux avant de soupirer légèrement. « C'est bon je t'en achèterais un autre, mais pourquoi tu n'es pas retournée à la boutique de la dernière fois? Tu aurais pu en trouver un neuf. » Je le remis sur le bureau avant de fermer mon dossier et de mettre mon crayon dans le pot à cet effet. J'étais quelqu'un d'assez maniaque en ce qui concernait mes affaires. Elle me demanda alors si j'ai bientôt une pause: « si je te dis oui tu arrêteras de me sauter à la gorge? » Fis-je en arquant un sourcil.

Ce que je ressentais à ce moment précis? J'en avais un peu marre de me faire attaquer pour un rien. Enfin, c'était sans doute mes nerfs qui étaient mis à l'épreuve à cause de ce divorce. Car depuis ce jour-là, j'avais l'impression que tout le monde s'en prenait à moi pour rien et à force je voulais juste qu'on me laisse tranquille. Il y avait une seule personne qui ne m'avait pas fait une seule réflexion, c'était Rosy. Au contraire, elle restait près de moi comme si j'avais vraiment besoin d'aide à cet instant précis. Elle n'avait pas tout à fait tort. Je me sentais complétement détruit par ce qui m'était tombé dessus sans crier gare, trahi. Je jouais avec mon crayon comme si c'était l'unique chose qui me retienne pour ne pas que j'explose et que je la mette à la porte. J'étais sur un dossier stressant, mon client arrivait dans deux heures et j'aurai le droit à ses éternels contradictions et je devrai sourire comme si rien ne m'atteignait. J'avais envie d'être ce soir, dans l'appartement de Rosy à manger un bon dîner, et à parler en riant de tout et de rien. Oui, il n'y avait que là-bas ces derniers temps où je me trouvais terriblement bien. J'avais fermé la porte car en plus je ne voulais pas des cancans de l'assemblée comme quoi si je divorçais ce serait sans doute car j'avais trompé ma femme. Pourquoi l'homme avait-il toujours le mauvais rôle? Je commençais à être sérieusement en pétard et j'avalais ma salive avec difficulté. Franchement, vous ne le seriez pas vous avec une femme qui se pointe dans votre bureau et qui vous accuse de tous ses reproches comme si vous lui aviez causé du malheur? Tout ce que j'avais fait c'était de l'avoir accueilli à bras ouverts dans notre pays et de lui avoir offert un pull. La prochaine fois, la charité sera sans moi. Je me réinstallais dans mon fauteuil quand elle me déclara qu'il ne lui manquerait plus que ça. « Tu crois pas que tu en fais un peu trop pour un pull? Dehors il y a des gens qui sont sans toit, à crever de froid et de faim et ils ne se plaignent même pas! Regarde autour de toi avant de te plaindre Roxanne! » Je planta mon regard dans le sien en serrant mon crayon dans la main à tel point que je commençais à avoir une crampe.

« Je te signale que ces mijaurées comme tu parles, une d'entre elle est une des mes amies et si tu n'arrêtes pas de te plaindre c'est sur que les gens d'ici ne vont pas chercher à te connaître! Il faut que tu arrêtes de monter sur tes grands chevaux à la moindre occasion! » Je crois que c'était une des rares fois où je me sentais dans une colère noire. Faut dire, tout son discours me tapait sur les nerfs, je trouvais qu'elle exagérait et je m'en moquais cordialement si c'était les hormones ou non. Elle n'avait pas à parler ainsi des gens de la ville, de les juger sans les connaître. Pour moi c'était inacceptable! Je l'avais emmené dans cette boutique le premier jour où on s'était rencontré, mon amie nous avais très bien accueilli et voilà qu'elle les dénigrait. Je commençais à croire que je m'étais trompé sur son compte. Ne disait-on pas : ne pas juger en fonction de la première impression? Je rangeais avec précaution mon dossier pour le début de l'après-midi dans mon bureau avant qu'elle me dise de l'emmener manger une crêpe au nutella. Qu'elle s'étouffe avec sa crêpe. Je n'étais pas méchant, mais elle m'avait mis sur les nerfs et j'avais peur que ce soir Rosy en fasse les frais. Une chose serait sûre, je ne serais pas foncièrement bavard durant le diner et si elle me taquinait cela allait partir en vrille. J'acceptai uniquement si elle arrêtait de me sauter à la gorge. J'avais carrément envie de lui faire manger ce pull par les trous de nez. Je me leva en allant prendre ma veste qui était accrochée au porte-manteau de mon bureau, j'ouvris la porte. « Je t'en pris. » Pas de sourire rien, non j'étais en colère et je ne comptais pas sourire rapidement comme j'avais l'habitude de faire.

Je crois que c'était une des rares fois où je me mettais en colère aussi rapidement mais il y a avait de quoi. Quand on était déjà sur les nerfs et que quelqu'un en rajoutait une couche par dessus de plaintes et de reproches, il y avait de quoi aller retourner sur la couette et attendre que ce jour passe afin de commencer une nouvelle journée du bon pied. C'était un de ces jours où l'on aurait préféré qu'on nous laisse seul afin que le cas ne s'aggrave pas. Au lieu de ça j'avais eu un client gonflant, et voilà que Roxanne me faisait tous les reproches du monde pour un vulgaire pull. A force j'étais sorti de ms gonds et en voyant son visage blêmir je compris alors qu'elle entendait raison par rapport à son comportement. Les gens allaient colporter des rumeurs sur nous j'en étais sûr, cela irait aux oreilles de Rosy qui me poserait sans doute la question: ne me dis pas que tu as aussi trompé Hilary? Je ne pouvais pas tromper une femme, j'étais monsieur morale en toute sa splendeur. J'étais sorti de mon bureau après elle, comblant ses pas comme si je ne voulais pas qu'on voulait nous voir trop proches. Certains de mes collègues m'observaient en silence et je leur lançais un regard noir quasi-meurtrier, ce qui était très rare chez moi! On arriva enfin à l'ascenseur et pendant la descente de celui-ci elle s'excusa pleinement. Heureusement. J'avais arqué un sourcil en la regardant. Elle avait la tête baissée vers ses pieds, comme une petite fille qui venait de faire une énorme bêtise et qui avait peur de se faire réprimander. Je ne pouvais la comprendre que trop bien...se faire à une nouvelle situation n'était pas chose aisée. J'étais dans le même cas, j'avais bien du mal au fait que je ne serais plus avec Hilary ; sa trahison avait été beaucoup trop grande et poussée pour que je fasse comme si de rien n'était. C'était aussi pour ça que j'étais sur les nerfs: toute cette situation me pesait et il aurait bien fallu un jour ou l'autre que j'explose. Garder tout pour soi n'était jamais bon, alors pourquoi je faisais l'autruche? Pourquoi j'en voulais aux autres de laisser leurs sentiments et leurs pensées exploser au grand jour alors que moi je n'en étais pas forcément capable? « Il y a des situations où on ne sait jamais comment réagir. Je suis dans le même cas en ce moment même. Je me réveille et je me dis qu'à présent ma vie ne sera pas la même. Il n'y a pas de mal à montrer que l'on est perdu ou que l'on va mal. Moi aussi je suis en tort, je n'aurai pas du m'emporter ainsi, mais ce n'est pas une bonne journée. » Fis-je en finissant par un demi-sourire.

Tout deux on connaissait ce que c'était de se faire trahir par la personne que l'on aimait le plus au monde. Au lieu de se disputer pour des sottises on ferait mieux de se soutenir. Du moins c'est ce que je pensais à cet instant précis tandis que l'ascenseur descendait les étages un par un. Alors, elle m'offrit un cadeau. Je ne m'y attendais absolument pas et cela se voyait sur mon visage. « Parce que tu crois que je peux t'en vouloir pendant longtemps? » Déclarais-je en la regardant surpris. Roxanne et moi on se ressemblait tellement que c'était impossible pour ma petite personne de lui en vouloir indéfiniment. J'ouvris le paquet qui en contenait un bracelet. Bracelet que j'avais vu un jour quand on se promenait dans la rue et que j'avais trouvé fort sympathique. J'étais un homme qui faisait attention à son apparence, je ne sortais jamais sans m'être aperçu dans un miroir pour voir si j'avais fière allure. « Ça change des cravates. » Je la regardais avant de rire. « Je plaisante, c'est très gentil de ta part et tu n'aurai même pas dû me l'offrir, je me sens terriblement idiot. » Vrai. A cet instant précis je me sentis très con car moi je lui avais rien offert à part un pull qui n'avait même pas tenu un mois. J'enlevais le bracelet de la boite avant de le mettre autour de mon poignet – certes avec difficulté, mais avec succès – il allait très bien avec ma montre en plus. La parfaite coordination. « Toi je t'adore. » Déclarais-je avant de lui déposer un baiser sur la joue. « Pour te remercier, je t'offre tout ce que tu veux à manger car après tout, faut aussi nourrir le petit bout à l'intérieur de ton ventre hein! » Je posai mes mains sur son ventre rebondi en souriant. J'avais toujours voulu être père et hélas ce n'était pas près d'arriver en vue des conséquences désastreuses. Au fond de moi j'espérais être là quand ce petit naîtrait. Pas comme son crétin de père. L'ascenseur arriva enfin à destination et je sortis en compagnie de Roxanne. « Bon tu veux manger où? »