Il se détachait du corps moite de la jeune femme. La moiteur des deux corps. Un détachement. Il se laissait tomber sur le côté et la laissait en plan. Une femme parmi tant d’autres. Petite perdue qui se laisse attraper par le grand méchant loup. Une proie. Une victime pour la soirée. Le russe avait vu en elle la parfaite petite fille qui attendait le prince charmant. Ce n’est pas ce qu’il était. Loin d’être le prince charmant, il était plutôt le méchant. Il l’avait charmé. Dis les mots qu’elle voulait entendre. Ça avait été facile. Elle était tellement naïve. Ils avaient fini par glisser ses doigts contre ses cuisses. Lui donner envie de lui. La soirée s’était terminée dans le lit de la jeune femme. Leur corps n’avait fait qu’un pendant quelques heures, mais ça n’avait rien de romantique. Ça avait tout d’animal, pour lui. Il se détachait d’elle. Son corps humide. Elle s’approchait de lui et il la repoussait. Elle ne comprenait pas. Il reprenait ses vêtements et la laissait là. Sans plus. Si elle pensait qu’il allait s’étendre sur des mots d’amour. Elle allait devoir apprendre à ne pas croire les hommes. Salaud. Surement. Il le savait. Il s’en fichait. Il faisait le chemin vers chez lui.

Alekseï était devant sa porte. Ses doigts cherchaient dans le fond de ses poches à la recherche de la clef de son appartement. Il avait passé la nuit ailleurs. Il avait passé ses nerfs sur une autre. Sa main se passait dans ses cheveux alors qu’il rageait contre les clefs qu’il ne trouvait pas. Quelques minutes. Quelques instants avant qu’il ne puisse enfin entrer dans son appartement. Las. Crevé. Il venait de passer toute son énergie dans le lit d’une petite blonde dont il ne se souvenait même pas du nom. Il l’avait laissé en plan après, sans rien dire ou lui donner. Ce n’est pas lui qui allait se perdre dans des élans affectifs. Ses chaussures se retiraient et il faisait quelques pas pour se laisser tomber dans son canapé. Trop las pour retirer le moindre de ses vêtements, il fermait déjà les yeux. Le sommeil. Les rêves. Les images qu’il déteste voir. Le manque qu’il ressent pendant la nuit. Le sang. Ses parents. La sueur qui coule contre sa peau. Un son. Des coups. C’est difficile de dire si le son se trouvait dans ses songes ou dans la réalité. Mouvement. Il se tournait contre le ventre, tentant de chasser ses coups qui devenaient de plus en plus insistants, de plus en plus impatients. Un autre mouvement. Son front qui se pose contre ses avant-bras. Les coups. Les coups. Ils sont là. Ils ne cessent jamais de résonner. Alekseï eut besoin d’un petit moment pour se rendre compte que les coups venaient de sa porte. Ses yeux s’ouvraient. Le soleil planait dans la pièce. Les coups. Les coups continuaient alors qu’il bougeait pour se faire une ligne de poudre blanche. Il l’ingurgitait. Il la sentait se coller à ses parois, se glisser dans son système. Il penchait la tête en arrière. Les coups. C’est la panique. C’est l’affolement. Sa main passe sur la table basse pour nettoyer la moindre trace de poudre blanche. « -Tu te calmes ou quoi. Pas besoin de défoncer ma porte.» Voilà. Il jetait un coup d’œil à l’heure. Il était tôt. Trop tôt.

Ses mains frottaient frénétiquement son visage alors qu’il se dirigeait vers la porte pour ouvrir la serrure. Ses pas le rapportaient vers son canapé où il se laissait tomber. Ses yeux se posaient sur la porte. « -Entre.»Il ne savait de qui il s’agissait, mais il se doutait de la raison de cette venue. Ce n’est pas la première fois que ce genre de situation arrivait. La porte s’ouvrait et une jolie blonde se dessinait dans l’embrasure. Crystal. Un sourire venait étirer ses lèvres alors qu’il ne bougeait pas. Pas besoin de parler. Pas besoin de dire le moindre mot pour savoir qu’elle était en manque. Ce regard vide. Ce regard qui en redemande et ce regard qu’il a croisé tant de fois. Silence. Il se tait. Il est silencieux. Il voit les soubresauts de son corps qui trahisse doucement son corps, qui la parcourt de temps en temps. Son sourire ne quitte pas ses lèvres alors qu’il ne daigne même pas bouger de sa place. « -Crystal. Ma belle. Il est un peu tôt non?» Il marquait une pause et faisais une place dans le canapé. « -Viens ma belle et referme la porte derrière toi.» Il savait ce qu’elle voulait. Alek savait parfaitement ce qu’elle venait demander, surtout quand elle ne cessait de tambouriner sur sa porte.

Crystal frissonnait dans son lit. Les draps mouillés collaient à sa peau. Elle n’avait pas fermé l’œil de la nuit. Elle avait regardé les heures défiler espérant que cette sensation de manque disparaisse. Elle n’avait fait qu’empirer. Aux alentours de quatre heures du matin, les vertiges avaient commencé. Elle connaissait le cycle par cœur. Sans rien pouvoir y faire, elle voyait les murs danser autour d’elle. Elle ferma les yeux. Elle était au plus mal. Dans un geste désespéré, elle ouvrit le tiroir de sa commode faisant au passage tomber tous les objets qui étaient posés dessus. Avec espoir, elle se redressa. Vide. Elle était à court. Elle transpirait. Ses cheveux se collaient contre son visage. Elle avait envie de mourir. Tous ses membres la faisaient souffrir. Elle avait l’impression de recevoir des milliers de coups de couteaux dans tout le corps. La sensation de manque n’avait jamais été aussi forte. Comme dans un rêve, elle se leva et se dirigea vers la salle de bain. Elle se passa de l’eau sur le visage. Aucun effet. Elle se regarda dans le miroir posé au dessus du lavabo. Elle avait l’air d’un fantôme. Ses yeux étaient vides. Son regard inexpressif. Pourtant, à travers ses hallucinations, la solution à tous ses problèmes lui apparaissait clairement. Alekseï. Il était le seul à pouvoir l’aider. Elle savait qu’elle plairait le prix fort en lui demandant son aide mais elle n’avait pas le choix. En quelques minutes, elle enfila une robe ainsi que des chaussures à talons. Se tenant à ce qu’elle pouvait, elle avança péniblement à travers la pièce. Ses jambes ne la portaient plus. Par miracle, elle eut la lucidité de prendre ses clés avant de fermer la porte de son appartement. La voilà maintenant dans les rues froides de Barrow. Elle n’avait presque rien sur elle. Pourtant, elle ressentait à peine le froid qui lui rongeait la peau. Elle ne voulait pas que quelqu’un la voie dans cet état. Le seul qui connaissait la gravité de la situation était Alekseï. Il la regardait s’enfoncer sans rien faire. Il y prenait du plaisir. Elle ne pouvait rien faire pour arrêter ce cercle vicieux. Elle avait pris goût à la drogue. Sa drogue. Impossible de revenir en arrière. Elle était dépendante de lui. Elle revint sur terre. Ses chaussures la faisaient souffrir. Elle décida de les enlever. Pieds nus, elle s’engouffra dans plusieurs rues recouvertes par quelques centimètres de neige. Son but était clair. Se rendre chez Alekseï. Elle connaissait le trajet par cœur. Elle l’avait fait tellement de fois. Elle aperçut enfin l’immeuble où il vivait. Soulagement. Désespérée, elle courut presque pour y arriver. Numéro trois. Elle était arrivée. Elle n’avait aucune idée de l’heure. Elle donna un premier coup sur la porte. Il fallait qu’il lui ouvre.

Les secondes passaient. Sa terreur augmentait. Pourvu qu’il soit chez lui. Un coup. Deux coups. Bien vite, elle tambourina à sa porte sans retenue. Elle avait besoin de lui. De sa drogue. Des larmes commencèrent à couler le long de ses joues tandis qu’elle n’arrêtait pas de cogner contre ce bout de bois. Elle les essuya d’un revers de main. Chacun de ses coups trahissait son désespoir. Elle n’était qu’une pauvre droguée en manque. Soudain, elle entendit sa voix. Directement, elle se figea. Un mince sourire apparut sur son visage. Il était là. Désireuse de ne pas le mettre en colère, elle resta immobile même si l’envie de défoncer sa porte la démangeait. Après plusieurs minutes qui lui parurent être des années entières, elle entendit la clé tourner dans la serrure. Pourtant, elle n’entra pas. Il ne lui en avait pas donné l’ordre. Soumise. Elle était complètement soumise à lui. Son cœur s’emballa lorsqu’elle reçut l’ordre d’entrer dans la pièce. Elle ferma la porte derrière elle. Elle obéissait à ses moindres caprices. Les mots étaient doux. Son sourire froid. Elle savait qu’il lui demanderait quelque chose en retour. Et elle obéirait. Elle était son jouet. Il pouvait faire d’elle ce qu’il voulait. Elle était prête à tout pour que cette sensation de manque disparaisse. Elle était même capable du pire. Seul réconfort, elle savait qu’elle sortirait d’ici avec la précieuse drogue dans son organisme. Il était son sauveur. Il était son bourreau. Sans un mot, elle s’approcha de lui comme on s’approche du diable. Elle s’assit dans le canapé, à côté de lui. Elle tremblait. De froid, de manque et de peur. Elle aurait voulu être à des milliers de kilomètres mais, à la fois, ne désirait être qu’ici. Elle leva son regard vers lui. Un sourire ornait ses lèvres. Malgré tout, elle espérait que derrière ce sourire sadique se cache encore un être humain. Elle espérait malgré tout qu’il puisse tomber amoureux d’elle. Qu’il change. Il la descendait plus bas que terre. Elle supportait ce châtiment sans rien dire. Leur relation était destructrice. Elle cherchait à être détruite. « J’ai … j’ai besoin que tu m’aides. S’il te plait » le supplia-t-elle du regard. Bien sûr, elle savait que ce ne serait pas si facile. « J’ai assez d’argent pour te payer » dit-elle en tentant un sourire. Elle savait qu’il préférait l’humilier avant d’accepter son argent mais, à chaque fois, elle espérait qu’il se montre compréhensif. Compréhension. Ce mot devait probablement échapper à son vocabulaire. Il restait silencieux. Son regard posé sur elle la transperçait. Elle était impatiente. Trop impatiente. « Alors tu … tu vas m’en donner ? » Elle était une épave. Une proie facile pour le prédateur qu’il était.

Il le savait. Il la devinait parfaitement dans ses faits et gestes. Il connaissait ses habitudes et la façon qu’elle avait de cogner de façon agitée contre sa porte. Il savait comment elle allait s’impatienter devant trop d’attente, trop de lenteur de la part du russe. Les droguées. Il les connaissait sur le bout de ses doigts. Il la connaissait encore plus elle. C’était sa proie. Sa victime. Elle avait souffert. Elle avait perdu quelqu’un de précieux et elle avait sombré. Il savait. Il savait ce que c’était de perdre deux qu’on aime, mais ça, elle n’avait pas à le savoir. Il était brisé. Il était une loque, mais maintenant, ce temps était bien loin. Alek ne se laisserait plus avoir par qui que ce soit, il ne souffrirait plus une seule fois. C’est lui qui allait faire souffrir les autres, c’est lui qui allait les manipuler pour arriver à ses fins. Par le contraire. Elle ne parlait pas. Il savait que c’était elle. Ce n’est pas la première fois qu’elle passait ses nerfs sur la porte de son appartement. Ce n’est pas la première fois qu’elle faisait une scène de la sorte. Il ne pouvait s’empêcher de sourire alors qu’il savait qu’elle allait revenir encore et encore. Elle ne pouvait pas partir, il veillait personnellement à ce qu’elle ne puisse par le faire. Il la tenait entre ses doigts, jouant avec les ficelles de sa vie. La sensation de pouvoir le rendait fou. Il ne voulait plus perdre cette sensation d’emprise. Euphorie délicieuse. C’est ce qu’il ressentait quand elle le suppliait de lui donner de la drogue. C’est ce qui se produisait avec elle. Avec les autres aussi, mais elle était son jouet, sa préférée. Elle allait réaliser le moindre de ses caprices, elle allait le faire, simplement. Hors de question qu’elle lui tienne tête.

Sa voix lui sonnait d’entrer. Il était confortablement assis dans son canapé. Une main se passait contre son torse alors qu’il bougeait pour enfiler un chandail. Le russe venait de s’envoyer une ligne de poudre dans le nez. C’est comme ça qu’il se sentait bien. C’est comme ça qu’il se sentait à l’aise et puissant. Sans la drogue il se sentait faible. Perdu. Elle le tenait lui aussi, depuis trop longtemps. Le son de sa voix brisé venait résonner dans l’esprit du drogué. Elle prenait place près de lui et il se contentait de l’observer sans se cacher, sans cacher qu’il était en train d’analyser le moindre de ses faits et gestes. Un soupire. Elle le désespérait. Comment pouvait-elle passer aussi rapidement à travers de ce qu’il lui donnait. Il se penchait vers elle. Elle était fébrile. Il avait l’impression qu’elle allait exploser à tout moment. Se casser. Perdre la face. S’écrouler. Ses doigts se levaient pour venir passer quelques mèches de cheveux derrière son oreille, ses doigts effleuraient lentement la peau de la jeune femme. Il laissait un léger contact créer entre eux. Il était clame. Trop calme. Stone. Complètement défoncé. « -Ce n’est pas une manière de dire bonjour. Surtout que tu me réveilles pendant que j’étais en train de faire un délicieux rêve.» Mensonge. Comment elle pouvait le savoir de toute façon. C’était simplement impossible. Elle ne le saurait pas. Jamais. Il posait son dos dans le creux de son canapé en ne la quittant pas du regard. Il aimait la voir comme ça. Tremblant. Suppliante. Elle espérait qu’il se montre clément alors qu’elle savait parfaitement qu’il était incapable de donner ce genre de bonté.

Voir l’espoir dans ses yeux était presque attendrissant. Si seulement il était capable de ressentir le moindre sentiment positif. Ils étaient partis en même temps que cette femme avec sa drogue. Ils étaient partis quand il avait vu ses parents morts dans sa grande maison. Maintenant, il n’y avait que la destruction. De lui et des autres. Un grand vide. Le néant. Autant il pouvait sembler confiant et calme, autant il n’était qu’une accumulation de souffrance depuis des années. Il restait appuyé sagement, ses yeux posés dans ceux de la belle blonde. « -De l’argent?» Il prenait une pause avant de reprendre. « -Tu crois que je veux ton argent.» Il s’humectait les lèvres pendant un court moment. « -Tu es déjà à court? Ça fait combien de temps? Hm. Tu deviens de pire en pire Crystal. Tu t’en rends compte. Tu en prends de plus en plus, tu en demandes de plus en plus. Je vais moi aussi devoir t’en demander de plus en plus.» Pause. « -Tu en penses quoi ma belle?» Qu’est-ce qu’il allait lui faire faire? Aucune idée encore. Il voulait, pour le moment, lui faire peur. Alek ne voulait surement pas de son argent, il n’en manquait pas et n’en avait rien à faire de son argent. Un sourire passait vaguement sur ses lèvres. Il se levait et se posait devant la table basse, il versait un peu de poudre blanche sur la vitre. Une carte se prenait alors qu’il plaçait lentement la poudre en petite ligne. Ses yeux étaient levés pour se poser dans ceux de la demoiselle, il observait ses mouvements et il regardait ce qu’elle allait faire devant lui. Il n’allait pas lui offrir cette ligne. Il allait la prendre devant elle. Il allait la rendre juste un peu plus folle. Pour l’instant, il se contentait de rester devant elle et de la regarder. « -Tu penses que je vais te laisser comme ça, en manque. Ça serait horrible de ma part, tu ne penses pas?» Il ne la laissait pas souvent partir les mains vides, mais la question était : qu'est-ce qu’il allait lui demander en échange?

Mal à l’aise dans son canapé, elle essayait pourtant de paraître la plus calme possible. Elle ne devait surtout pas lui montrer qu’elle mourrait d’impatience. Elle savait qu’il prendrait encore plus de plaisir à la faire languir. Malheureusement, sans qu’elle ne le remarque, son pied droit et ses mains ne cessaient de bouger dans tous les sens. Elle ne contrôlait plus rien. Elle ne contrôlait jamais rien lorsqu’il était là. Elle ne contrôlait même plus son propre corps. Tandis qu’elle était parcourue de tremblements incontrôlables, il l’observait. Il était calme. Il avait presque l’air serein. Ce n’était pas bon signe. De temps en temps, elle osait lever un œil vers lui. Il ne cessait de la fixer. Elle avait l’impression que son regard lui brûlait la peau, lui transperçait les os. Elle aurait voulu le supplier d’arrêter mais elle resta muette. Elle voulait à tout prix éviter de le contrarier. Les yeux baissés, elle se laissa sonder sans broncher. Elle ne pouvait rien faire d’autre. Il avait toutes les cartes en mains. Il s’en était assuré. Soudain, il approcha ses doigts de ses cheveux. S’attendant au pire, elle ferma les yeux. Il se contenta de les remettre derrière son oreille. Il effleura sa joue. Elle frissonna. Etonnée qu’il ne fasse rien d’autre, elle rouvrit les yeux et le regarda avec étonnement. Dans ce genre de moment, elle avait l’impression qu’il redevenait humain. Un faible espoir renaissait en elle. Espoir qui se brisa dès qu’elle entendit le son de sa voix froide. Le ton doucereux qu’il employait était aussi percutant que s’il l’avait frappée en plein visage. Elle connaissait sa façon de faire mais, à chaque fois, elle se faisait piéger. Elle était trop naïve. De son côté, il la savait impatiente. Il allait donc prendre tout son temps pour lui donner sa précieuse poudre blanche. Elle en était persuadée. Malgré elle, elle entra dans son jeu. Elle n’allait rien faire qui puisse ralentir encore le moment où elle sentirait sa précieuse drogue dans son organisme. « Je suis désolée. Je … Bonjour. C’est juste que tu m’as dit de venir si j’avais besoin de … de drogue alors je suis venue » Elle s’excusait presque de sa présence. Elle aurait voulu s’effacer complètement. Se fondre dans le décor. Elle aurait voulu disparaître. Elle était pitoyable. Il l’avait rendue pitoyable. Elle détestait l’ambiance qui régnait dans la pièce à l’heure actuelle. Elle avait l’impression d’être une proie enfermée dans la même cage que son prédateur. Sauf que, bien sûr, elle pouvait sortir quand elle le souhaitait. C’était sans doute cela le plus terrible. Il la laissait libre de ses décisions. Elle agissait de son plein gré. Elle acceptait de satisfaire ses caprices juste parce qu’il détenait quelque chose dont elle avait besoin. Il avait créé une dépendance. Elle baissa les yeux. Elle le détestait probablement autant qu’elle se détestait.


Brisant le silence gênant qu’il avait l’air d’affectionner, il lui rappela par des mots simples qu’il tenait les rênes. Qu’il agissait selon ses envies. Il ne voulait pas de son argent. Cela ne l’étonnait pas. Elle savait qu’il allait refuser mais elle avait quand même tenté le coup en désespoir de cause. Elle le regarda. Pourquoi ne faisait-il pas comme les autres dealers ? Pourquoi n’acceptait-il pas son argent ? Question stupide. Elle connaissait la réponse. Il aimait trop s’amuser à la briser. Il continua. Apeurée par la signification de la dernière phrase qu’il venait de prononcer, elle perdit complètement ses moyens. Lui en demander plus ? Il ne lui en demandait pas encore assez ? Un éclair de terreur passa dans ses yeux tandis qu’elle le regardait pour voir si elle avait bien compris. Il était très sérieux. Il l’avait rendue accro. Et, en plus, il lui faisait payer sa dépendance. La situation aurait presque pu être drôle si elle n’était pas aussi dramatique. L’esprit de Crystal s’embrumait. Son corps n’avait pas reçu de drogue depuis beaucoup trop longtemps. Elle se sentait défaillir. Il était inutile de lui résister. Inutile d’essayer de marchander. Elle lui dit donc ce qu’il voulait entendre. « Je pense que ça me semble correct » Elle soupira. Elle ne savait pas encore dans quoi elle s’était embarquée mais elle n’allait pas tarder à le savoir. Attendant sa sentence telle une condamnée à mort, elle attendit qu’il reprenne la parole. Il resta silencieux. Sans un mot, il se leva et versa le contenu d’un sachet sur la table. Telle une affamée, elle épia chacun de ses mouvements. Elle en était réduite au stade animal. Elle voulait assouvir ses pulsions. Voir ce délice si proche mais encore inaccessible la rendait folle. Elle rêvait de bondir sur la table pour en respirer un peu. Toutefois, elle resta en place. Il l’avait bien dressée. Ayant complètement oublié la contrepartie qu’il attendait, elle était presque joyeuse. Elle se rapprocha légèrement. Tous ses sens étaient en alerte. Il reprit la parole. Au lieu de bégayer, elle se mit à parler très vite. Elle avait déjà récupéré un peu de force. Elle acquiesça vigoureusement la tête. « Dis moi ce que tu veux en échange. Je ferais tout ce que tu voudras » Elle était résignée. Le jeu en valait la chandelle. Aucun supplice n’arriverait à la cheville du bonheur qu’elle aurait à aspirer cette ligne. Elle ne tenait plus en place. Son bras s’était levé vers le sien avant de retomber juste avant de le toucher. Ne sachant pas quoi faire pour se calmer, elle se leva d’un bond afin d’avoir une meilleure vue sur ce qu’il faisait. « Je pourrais peut-être en goûter juste un peu avant … juste un tout petit peu » souffla-t-elle sans lâcher cette poudre blanche des yeux. Elle crevait de ne pas pouvoir la toucher. Elle crevait de ne pas pouvoir la goûter. Et, elle ne cessait de parler, sortant de sa position de soumise. Elle ne cessait de parler au risque de l’énerver. Elle s’en fichait. Plus rien ne comptait hormis cette cocaïne qu’elle avait sous les yeux.

Tout était une question de contrôle. Sans la drogue il n’y avait plus de contrôle. Plus cette assurance qui le rendait si terrible. Pourquoi voulait-il détruire la vie de tous ceux qui croisaient son chemin? Peut-être parce que la sienne avait été détruite par tous ceux qui croisaient le sien. Malheureusement pour Crystal, il avait vu en elle la parfaite petite proie à anéantir. Il avait deviné comment la briser encore plus qu’elle ne l’était déjà. Va savoir quelle satisfaction il en tirait mais c’était simplement jouissif. Il ne la retenait pas. Il ne lui demandait pas de revenir. La belle blonde était complètement libre de ses actes, elle pouvait partir quand bon lui semblait et il n’allait pas lever le petit doigt pour l’empêcher de partir. Elle aurait beau le menacer. Elle aurait beau dire n’importe quoi. Il savait. Il savait qu’elle allait revenir pour lui demander de la drogue. Il avait veillé personnellement à ce que ce soit comme ça. Impossible de dire ce qu’elle était réellement pour lui. Il ne le savait pas. Un jouet. Un jouet qu’il ne voulait pas partager. Qu’il ne voulait pas voir partir malgré la grande indifférence qu’il semblait dégager. C’était son objet. S’il n’avait qu’elle comme cliente, il ne s’en plaindrait pas. Il la voulait elle. Pas une autre. Aucune autre qu’elle. Alek aimait jouer avec elle. Il aimerait torturer son petit esprit naïf. Parfaite. Elle était parfaite pour assouvir ses envies destructrices. Sa main frottait son torse pendant un court moment. Il souriait, sa fossette se creusait quand il sentait les frissons naître sous le contact qu’il était en train de créer sur la peau de blonde. Il était fou. Il voulait qu’elle soit folle. Il voulait lui transmettre cette folie malsaine. « -Je sais Crystal. Je sais.» Il s’en fichait qu’elle le réveil. Il voulait juste qu’elle se sente mal. Il voulait juste qu’elle se sente coupable d’avoir brisé son sommeil si peu récupérateur. Il dormait mal. Il préférait ne pas dormir de toute façon. Il voulait la rendre folle. Il voulait qu’elle tremble. Elle était accro. Elle était en manque et elle ferait n’importe quoi pour s’injecter cette foutue dose dans le nez. Il n’était jamais en manque. Il ne savait pas du ce que ce pouvait être de vivre dans le manque de drogue. Il s’amusait avec elle et elle le laissait faire. Elle était soumise. Trop soumise. Un soupir passait le cap de ses lèvres à sa réponse. Elle était molle. Elle manquait de vivacité. Elle était une loque. « -Crystal.» Il se penchait vers elle. « -Tu es pathétique, tu sais? Tu me laisses te parler comme ça. Hmm? Tu me laisses faire ce que je veux avec ta tête. Tu me laisses te manipuler comme ça sans rien dire. Je te dis que je ferais des choses horribles et tu me dis que ça te semble équitable. Ça ne va pas bien Crystal. Tu es en train de tomber bas. Très bas. Réveille-toi un peu. Arrête de te laisser marcher dessus comme un insecte.» Il disait cela sur un ton tellement détaché que ça en devenait déconcertant. C’était impossible de savoir ce qu’il voulait vraiment. Impossible.

Il avait bougé. Il avait décidé qu’il était temps de faire quelque chose. Il avait décidé de la rendre encore un peu plus folle. Il venait de former une ligne de poudre blanche devant elle. Le petit sachet disparaissait à nouveau dans le fond de ses poches alors qu’il continuait de former lentement la ligne de poudre. Il se demandait encore ce qu’il allait faire. Elle s’agitait. Dans tous les sens. Comme une petite gamine devant un tas de friandises qui se tortille dans tous les sens pour tenter de résister à la tentation. C’est ce qu’elle était. Si seulement elle ne s’était pas laissé prendre si facilement dans ses filets. Parfois, il avait presque pitié d’elle. Il était accroupi devant la table basse et il la regardait. Silencieux. Il la laissait regarder cette ligne. Il savait parfaitement qu’elle avait envie de la prendre. Il savait parfaitement qu’il n’avait pas envie de lui donner. « -Ce que je veux en échange.» Un sourire. Il jouait avec la carte. De la poudre était collée contre elle. Il glissait sa langue contre ses lèvres, comme un lion prêt à bondir sur sa proie. Elle se levait. Elle bougeait dans tous les sens comme une excitée incapable de se contrôler. Il la regardait. Il ne bougeait pas. Il était tout le contraire d’elle. Il savait que s’il ne disait rien, elle n’allait pas se jeter sur la table pour renifler cette ligne. « -Avant quoi? Goûter un peu avant quoi. Tu dis n’importe quoi ma pauvre.» Il posait sa carte sur le coin de la table et attrapait son bras pour attirer la jeune femme contre ses jambes. Il la faisait s’asseoir contre lui. Ils n’avaient jamais couché ensemble, mais elle l’attirait. Y’avait cette tension étrange entre eux. Peut-être aimait-elle être autant soumise à lui? Elle n’était pas bien. Sa main venait se glisser contre son ventre alors qu’il glissait ses lèvres dans son cou. Ses gestes étaient doux. Son autre main dégageait ses cheveux de son cou pour lui découvrir sa peau. Des baisers langoureux fusaient contre sa peau, il dévorait lentement la peau de son cou. « -Tu veux bien te calmer un peu. On dirait une gamine de cinq ans. Tu es étourdissante. Alors, tu te calmes et tu te détend un peu.» Il parlait dans le creux de son cou alors qu’il l’embrassait lentement. Il la retenait de s’avancer un peu trop pour goûter à la poudre qui était tout juste devant elle. Il se doutait qu’elle devait être en train de mourir d’envie de la prendre. Elle ne pouvait pas. Elle le savait. Si elle le faisait, il y allait avoir des conséquences et il était en train de s’amuser dans son cou.

Crystal était complètement vide de toute force. Elle était fatiguée. Elle n’avait plus aucune détermination. Elle n’avait plus envie de rien. Rien mis à part la drogue qu’il devait détenir quelque part au fond de ses poches. Elle le détestait. D’aussi loin qu’elle se souvienne, elle n’avait jamais détesté quelqu’un avec autant de violence. Ce qui lui arrivait était entièrement de sa faute. Pourtant, elle ne disait rien. Elle n’osait rien lui dire. Elle savait que, si elle osait le contrarier, elle pouvait dire adieu à sa drogue. Plutôt mourir. Toutefois, même si elle le haïssait de toutes ses forces, elle prenait un plaisir malsain à accourir lui demander de l’aide lorsqu’elle était en manque. Elle était entrain de devenir complètement folle. Il l’avait rendue folle. Tremblante, elle leva les yeux vers lui. Elle venait de lui dire qu’elle était prête à faire tout ce qu’il voudrait. Pourtant, cela ne semblait pas encore le satisfaire. Il se pencha vers elle. Instinctivement, elle recula. Elle n’aimait pas être trop près de cet homme. Il la mettait très mal à l’aise. Elle ne contrôlait plus rien en sa présence. Cela lui faisait peur. D’autant plus que, quelques fois, elle se surprenait à rêver d’un contact plus tendre entre eux. Comme tout à l’heure, quand il lui avait caressé la joue. Stoïque, elle encaissa ce qu’il venait de lui dire sans broncher. Mais, plus il continuait, plus elle sentait la colère monter en elle. Que voulait-il à la fin ? Il l’avait dressée pour qu’elle soit soumise à lui et, maintenant, cela ne lui plaisait plus. Anesthésiée par le manque de drogue, elle ne réfléchit pas avant de parler. Elle était en colère et il voulait qu’elle ne se laisse plus écraser comme un insecte. Combinaison idéale. Depuis le temps qu’elle rêvait de lui dire ce qu’elle pensait exactement de lui. Elle n’avait jamais osé par peur des représailles mais, aujourd’hui, elle s’en fichait. Elle ne réalisait pas encore les conséquences de ses actes. Revigorée par cet éclair de rage qui passait dans ses yeux, la demoiselle reprenait un peu de force. Comme si la poupée qu’elle était devenait soudain animée. « Avant de me critiquer, tu ferais peut-être mieux de regarder ce que tu fais de ta vie. La seule raison pour laquelle les gens t’adressent la parole c’est pour la drogue que tu vends. Tu ne vis que pour faire du mal aux autres. Si tu continues comme ça, tout le monde va finir par te détester. D’ailleurs, si tu veux tout savoir, je te déteste déjà. Alors je ne suis peut-être qu’un vulgaire insecte qui se laisse marcher dessus mais, pourtant, la personne la plus pathétique dans cette pièce c’est toi. » Une fois que l’adrénaline fut redescendue, la blonde se rendit compte de ce qu’elle venait de dire. Pourquoi avait-il fallu qu’elle ouvre la bouche ? Peu de chance que son discours lui plaise. Elle venait sûrement de l’énerver ce qui voulait dire qu’elle allait payer un prix encore plus fort. Se mordant la langue jusqu’au sang, elle se jura de ne plus prononcer un mot de la journée. Crystal, tu n’es qu’une petite idiote.

Après ce qu’elle venait de dire, elle avait juste envie de disparaître. Elle n’osait même plus le regarder. Elle avait beaucoup trop peur de sa réaction. Bien sûr, c’était lui qui lui avait demandé de se révolter mais impossible de savoir si c’était réellement ce qu’il désirait. Elle espérait seulement qu’il ne la laisserait pas repartir sans drogue. Vu l’état dans lequel elle était, elle ne tiendrait pas bien longtemps. La sensation de manque était entrain de la tuer. Chaque parcelle de son corps la faisait souffrir à tel point que sa vue s’était embrouillée. Elle était capable de faire n’importe quoi pour que la douleur s’arrête. Elle avait simplement envie de mourir. Pourtant, elle sentit un regain d’espoir lorsqu’elle le vit préparer une ligne de poudre blanche. Elle était enthousiaste à l’idée d’en avoir un peu. Excitée à cette idée, elle avait même puisé dans ses dernières ressources afin de se lever. La vue de cette drogue lui faisait tourner la tête. Elle lui demanda l’autorisation d’en avoir un peu. Sans aucune surprise, il refusa. Il la torturait. Psychologiquement et physiquement. Les murs de la pièce commençaient à danser autour d’elle. Elle n’allait plus tenir bien longtemps. Tout à coup, il la tira vers lui. Presque contente de ne plus être debout, la jeune femme ne réalisa pas tout de suite ce qu’il était entrain de lui faire. Sa tête tournait tellement qu’elle aurait pu s’endormir sans problème. Toutefois, la douleur qu’elle ressentait l’en empêchait. Emergeant d’un petit moment d’inconscience, elle réalisa qu’elle était contre ses jambes. Instinctivement, elle mit toutes ses forces à essayer de se dégager. Elle voulait se rapprocher de cette fichue drogue qui était presque sous son nez. Elle voulait le fuir. Ses cheveux venaient se dégager de son cou. Les lèvres de son bourreau l’embrassait sensuellement. Elle ferma les yeux et frissonna de plaisir. Il la rendait complètement folle. Elle avait honte de ce qu’elle ressentait mais, en même temps, ne pouvait s’empêcher de le ressentir. Elle se laissa faire. Elle ne protesta pas. L’espace d’un instant la drogue était complètement sortie de ses pensées. Un instant seulement. Elle se retourna vers lui. La tendresse dont il venait de faire preuve l’avait remise en confiance. « Qu’est-ce que tu attends de moi Alek ? Je ne me suis encore jamais sentie aussi mal. J’en ai vraiment besoin. Laisse moi en prendre juste un peu. Après je ferais tout ce que tu veux, je te le promet » Elle essayait de nouveau de négocier espérant qu’il ne lui tenait pas trop rigueur de ce qu’elle lui avait dit plus tôt. Naïvement, elle espérait que cet instant partagé était dû à la petite part d’humanité qu’il lui restait. Elle le supplia du regard. Elle espérait qu’il lui montre enfin qu’il avait un cœur. Cependant, rien n’était moins sûr.